(Par Francis Langlois)
Les plus récents sondages prévoient que ce sont les libéraux de Philippe Couillard qui remporteront les élections lundi prochain, le 7 avril. Et possiblement pour former un gouvernement majoritaire.
Qui l’eut cru.
En début de campagne, je pariais pour un retour du PQ, peut-être pas majoritaire, mais à tout le moins minoritaire. Il me semblait que le dossier de la charte des valeurs (dont le nom officiel est interminable) avait été piloté avec suffisamment de machiavélisme et divisait suffisamment l’électorat pour constituer un cheval de bataille intéressant. Le dossier était une véritable patate chaude pour Philippe Couillard, le principal adversaire de Pauline Marois. Ses prises de position avaient souvent été hésitantes, confuses et il avait même dû subir le départ en coup de vent de Fatima Houda-Pépin qui n’a pas manqué d’écorcher son ancien chef au passage. La charte semblait aussi être un thème qui permettait de parler d’identité, sujet sur lequel le PQ se sentait confiant, tout en évitant le champ de mines qu’est devenu le débat référendaire.
Bien sûr, la Charte ne plaisait pas à tout le monde et soulevait plusieurs questions constitutionnelles, tant vis-à-vis des chartes canadiennes que québécoises, dont il ne faut pas sous-estimer l’importance (c’est toujours le cas, d’ailleurs), mais notre système parlementaire étant ce qu’il est, le but était de séduire le 40 % d’électeurs nécessaires pour obtenir une majorité.
Aujourd’hui (4 avril), le PQ est bien loin de cet objectif avec environ 28 % des intentions de vote, contre 39 % pour le PLQ, alors que la formation de Pauline Marois était à environ 37 % au départ. Je sais, je sais il faut se méfier des sondages qui ne prévoient pas le nombre de personnes qui resteront chez eux le 7 avril. Mais quand même, dix pour cent, c’est difficilement négligeable.
Qu’est-ce qui peut bien expliquer une telle dégringolade?
Pour moi, le moment marquant, décisif, de cette campagne aura été le dévoilement de la candidature de Pierre Karl Péladeau dans St-Jérôme. Candidature-surprise qui n’a pas manqué de provoquer une onde de choc et d’attirer toute (c’est presque littéralement exact) l’attention médiatique vers le comté des Laurentides. Le moment charnière, il est là. En présentant un candidat très connu issu du Québec inc., le PQ aurait pu prendre le contrôle de la campagne et l’orienter vers les thèmes ennuyants, mais confortables de l’économie et de l’emploi, thèmes dont on nous répète ad nauseam qu’ils sont la priorité de la population. PKP n’a jamais fait l’unanimité, surtout depuis le triste épisode du lock-out du Journal de Montréal. À gauche, il est littéralement honni et fait office de quasi-antéchrist. Mais à droite, il pouvait être une arme redoutable pour séduire les électeurs caquistes sensibles aux questions de gestion des finances publiques.
Cependant, ça n’est pas du tout passé comme l’avaient prévu les péquistes. Ce qu’on a surtout retenu, c’est l’image de M. Péladeau, le bras levé, annonçant sa volonté de « faire du Québec un pays ». En soi, qu’un candidat d’un parti souverainiste professe sa foi en l’indépendance n’a rien, mais absolument rien d’étonnant, mais le message économique dont il était porteur en est presque complètement passé inaperçu. Le choc de cette annonce a ainsi plus profité aux libéraux qui n’ont pas manqué dès lors d’agiter le spectre référendaire. Pauline Marois a beau jeu de dénoncer la politique de peur menée par Philippe Couillard, mais il faut admettre qu’en perdant le contrôle de cette annonce, elle lui a donné des munitions inespérées. Pour reprendre Chantale Hébert de L’Actualité, « un peu plus et on croirait que les conseillers de Philippe Couillard ont élaboré le plan de match de Pauline Marois. » Le Parti Québécois, contrairement au Parti Libéral, n’a jamais été capable de présenter une réponse claire à la question « Promettez-vous un référendum si vous êtes élu? » Pauline Marois s’est pourtant bien défendu lors des différents débats et elle était peut-être la cheffe avec la meilleure équipe de candidats de la campagne.
Définitivement, en 2014, les péquistes auront probablement (nous aurons la confirmation lundi) perdu la bataille des communications et de la stratégie. Contrairement aux caquistes, aux solidaires et aux libéraux, les péquistes semblent avoir oublié l’importance d’un slogan simple et clair. On peut rire comme on veut du slogan libéral (« on s’occupe des vraies affaires ») ou de celui de la CAQ (« on se donne Legault »), mais ils auront au eu moins le mérite d’être accrocheurs. Ce sont ces slogans, ainsi que les résidus des débats sur la Charte et le référendum, qui seront dans l’esprit des électeurs une fois dans l’isoloir. Certaines bonnes propositions qui auraient dû faire l’objet de débats constructifs ont presque déjà été oubliées et n’auront donc probablement pas une grande incidence le jour du vote. Je pense notamment à l’électrification des transports en commun (PQ), le projet Saint-Laurent (CAQ) et le revenu minimum garantit (QS).
Bien entendu, la campagne n’est pas tout à fait terminée et une surprise comme celle de la vague orange de 2011 est toujours possible. Mais j’en doute.
Ce dont je doute moins, par contre, c’est que si le PQ perd les élections, a fortiori s’il est relégué au rang de seconde opposition comme en 2007 et que les libéraux obtiennent une majorité, Pauline Marois tirera sa révérence et que s’ensuivra une énième crise de succession au Parti Québécois. Crise qui pourrait représenter une opportunité intéressante pour les solidaires et les caquistes.
Et si un gouvernement minoritaire est élu, attachez bien votre tuque, on se revoit en campagne dans 18 mois…