(Par Jérémie Bernard)
Après le mystérieux Polaris et le clairvoyant Elysium, le Stratovarius 2.0 que nous connaissons avait fort à faire pour continuer sur sa lancée d’albums pertinents et frais dans une industrie qui nous réchauffe trop souvent la même chose. Nemesis porte encore plus loin le nouveau style du groupe. Terminées les longueurs et les compositions fragmentées. Ce CD a de quoi occuper durant un long moment avec plus d’une heure de musique intense oui, mais aussi recherchée et teintée de la même sonorité distincte. Sans être un album concept, cette quatorzième galette offerte par Stratovarius sait rester cohérente et présenter du semblable toujours de façon renouvelée.
Je vais commencer par le dessert. Les claviers sont particulièrement travaillés sur Nemesis. Des grands sons orchestraux ainsi que quelques sonorités électroniques peuvent se faire entendre partout à travers l’album. C’est surtout de cette façon que le disque possède finalement une identité propre. Plusieurs chansons incorporent des mélodies prenantes et rapides au clavier comme introduction, chose qui ne passe jamais inaperçue. Écoutez Fantasy, Dragons, Halcyon Days ou Nemesis si vous voulez comprendre comment les claviers sont indispensables dans la qualité de l’œuvre.
Fait à retenir pour Nemesis : C’est le premier album qui voit l’ajout de Rolf Pilve à la batterie de cette historique formation. Le jeune apporte fougue et témérité à l’album, ce qui permet au guitariste et producteur Matias Kupiainen de faire aller tout son génie créateur pour la première fois depuis sa première apparition sur Polaris en 2009. Exit les compositions classiques de Stratovarius, les nouveaux fans et ceux qui ont suivi le groupe malgré le départ de Timo Tolkki ont aujourd’hui droit à des chansons beaucoup plus complexes dans leur structure et leur rythmique. Mon amour pour le groupe est redevenu aussi fort qu’avant lorsque je me suis rendu compte que l’album s’ouvre et se termine sur une superbe synergie guitare/clavier comme je n’en avais plus entendu depuis trop longtemps.
Le mot d’ordre pour Nemesis pourrait être violence, mais aussi mélancolie. Les pièces sont projetées vers l’auditeur avec plus de force que jamais, les rythmes sont saccadés, les changements sont drastiques, mais les sons de claviers rendent toujours le tout finalement un peu triste, voire dichotomique. La présence d’une chorale par-dessus le tout aide à cette ambiance de la fin d’un monde. Il faut dire aussi que tout va dans le même sens, la pochette étant assez révélatrice des thèmes exploités dans les paroles et les mélodies. Ce flamboiement orangé fait changement des bleus et verts plutôt doux des derniers albums. La formation est très certainement allumée par un feu intérieur, qui peut être aussi créateur que dévastateur.
Les chansons parlent beaucoup de liberté et de douleur incontrôlable. Kupiainen étant le producteur officiel de l’album, il s’est occupé d’une bonne partie de la composition pour Nemesis, mais a aussi passé le flambeau à Johansson et Paura pour quelques chansons qui ont tout à fait leur place dans l’ambiance sacrée et puissante créée ici. La seule vraie balade se trouve à être If the Story is Over et incorpore des collaborations de Joakim Jokela au sifflement et Jani Liimatainen (ex-Sonata Arctica) à la guitare acoustique. Contrairement aux deux derniers albums, les moments calmes sont très rares, donc toujours pertinents.
Nemesis propose aux fans quatre chansons bonus à dénicher à travers diverses éditions spéciales. Ces chansons ne sortent pas trop de ce que l’album offre, mais officialisent l’utilisation des effets électroniques au clavier. J’ai pu remarquer que Fireborn et Hunter sont un peu pluspower metal, sans doute pour contenter les fans de la première heure qui peuvent trouver que l’album standard manque cruellement de ce genre qui a fait connaître la formation. J’ai trouvé amusant de constater que ma théorie du feu seulement valable par la pochette de l’album se voit concrétisée dans deux titres des quatre pièces bonus.
Meilleur album de Stratovarius selon moi, point final. Oui je sais, le terme Stratovarius est un peu ambigu, vu que l’on est loin et du son et de la formation originale. La voix de Kotipelto et les solos de Johansson sont toujours là, ce qui me suffit amplement pour leur donner le droit de garder le nom Stratovarius. Depuis la venue de Kupiainen et Porra dans la formation, cette dernière vit un renouveau qui ne fait que se confirmer avec l’ajout du jeune Pilve. Étrange mélange de la scène metal, Stratovarius n’en est pas moins capable d’offrir un son unique et fort d’un travail d’égalisation colossale. Ne faites qu’écouter Abandon, la première pièce du disque, pour comprendre tout ce qui a été dit lors de cette critique.